Théorème de De Moivre-Laplace
Théorème de De Moivre-Laplace.
Si $X_n\sim\mathcal{B}(n,p)$ pour $n\in\mathbb{N}^*$ et $p\in]0,1[$ alors on a :
$$\forall [a,b]\subseteq\mathbb{R},\quad \lim_{n\to+\infty}\mathbb{P}\big(X_n\in[a,b]\big)=\frac{1}{\sqrt{2\pi}}
\int_a^b{\rm e}^{-\frac{t^2}{2}}\,{\rm d}t$$
ce qui signifie que $\displaystyle \frac{X_n-np}{\sqrt{pqn}}\overset{(\mathcal{L})}{\longrightarrow}\mathcal{N}(0,1)$.
Remarque. C'est un cas particulier du théorème central limite en remplaçant $X_n$ par $\displaystyle\sum_{k=1}^n Y_k$ où $Y_1$,
$\dots$, $Y_n$ sont i.i.d. de loi $\mathcal{B}(p)$.
Preuve niveau Licence dans le cas $\displaystyle p=\frac{1}{2}$.
Soit $\omega:\lc1,n\rc\ra\lc1,n\rc$ une permutation.
Pour $k\in\lc2,n\rc$, on dit que $\omega$ possède un record vers le haut au rang $k$ lorsque :
$\forall i\in\lc1,k-1\rc$, $\omega(k)>\omega(i)$.
Par convention, on dira que toute permutation $\omega$ possède un record vers le haut au rang $1$.
Si on interprète l'expérience aléatoire comme $n$ tirages successifs sans remise dans une urne de $n$ boules
numérotées de $1$ à $n$, un record vers le haut au $k$-ième signifie que le numéro obtenu est strictement
plus grand que les numéros obtenus aux tirages précédents.
CORRECTION [ afficher/masquer ]
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On note $A$ l'évènement "la permutation ne donne qu'un seul record vers le haut".
$\omega\in A$ signifie que seul le premier rang donne un record vers le haut.
Ceci équivaut à la condition $\omega(1)=n$ (le premier tirage donne la boule numéro $n$).
On a donc $\hbox{Card}(A)=(n-1)!$ et :
$$\p(A)=\dfrac{(n-1)!}{n!}=\dfrac{1}{n}$$
On note $B$ l'évènement "la permutation donne $n$ records vers le haut".
$\omega\in B$ signifie que $\omega(1)<\omega(2)<\dots<\omega(n)$, et donc que $\omega$ est
l'application identité.
Ainsi $\hbox{Card}(B)=1$ et :
$$\p(B)=\dfrac{1}{n!}$$
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On note $E_{j,k}$ l'évènement "la permutation donne un record vers le haut au rang $k$ avec la valeur $j$".
Si $j<k$ il est clair que $E_{j,k}=\emptyset$, et donc que $\p(E_{j,k})=0$.
Supposons $j\geq k$.
Dénombrons les permutations $\omega$ qui appartiennent à $E_{j,k}$ :
- la valeur de $\omega(k)$ est fixée égale à $j$ : $1$ seule possibilité
- les valeurs de $\omega(1)$, $\omega(2)$, $\dots$, $\omega(k-1)$ doivent être prises entre $1$ et $j-1$ :
le nombre de possibilités est égal au nombre d'arrangements de $k$ éléments de $\lc1,j-1\rc$,
c'est-à-dire à $\displaystyle\binom{j-1}{k-1}\times (k-1)!$
- les valeurs de $\omega(k+1)$, $\omega(k+2)$, $\dots$, $\omega(n)$ sont choisies quelconques
(deux à deux distinctes) parmi les $n-k$ valeurs restantes: $(n-k)!$ possibilités.
On en déduit que $\hbox{Card}(E_{j,k})=\displaystyle\binom{j-1}{k-1}\times(k-1)!\times(n-k)!$ puis que :
$$\p(E_{j,k})=\dfrac{\displaystyle\binom{j-1}{k-1}\times(k-1)!\times(n-k)!}{n!}$$
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On note $R_k$ l'évènement "la permutation donne un record vers le haut au rang $k$".
On remarque que $R_k=\displaystyle\bigcup_{j=k}^n E_{j,k}$ et que les $E_{j,k}$, pour $j\in\lc k,n\rc$,
sont deux à deux incompatibles.
L'additivité de $\p$ donne donc :
$$\begin{array}{rcl}
\p(R_k)&=&\displaystyle\sum_{j=k}^n \p(E_{j,k})\\
&=&\displaystyle\sum_{j=k}^n \dfrac{\displaystyle\binom{j-1}{k-1}\times(k-1)!\times(n-k)!}{n!} \\
&=&\displaystyle \dfrac{(k-1)!\times (n-k)!}{n!} \sum_{j=k}^n \displaystyle\binom{j-1}{k-1} \\
&=&\displaystyle\dfrac{1}{k\displaystyle\binom{n}{k}} \sum_{j=k}^n \displaystyle\binom{j-1}{k-1}\end{array}$$
Mais :
$$ \sum_{j=k}^n \displaystyle\binom{j-1}{k-1} = \sum_{j=k-1}^{n-1} \displaystyle\binom{j}{k-1}
= \sum_{j=k-1}^{n-1} \left(\displaystyle\binom{j+1}{k} - \displaystyle\binom{j}{k} \right)
= \displaystyle\binom{n}{k} - \displaystyle\binom{k-1}{k}=\displaystyle\binom{n}{k} $$
grâce à la formule d'additivité de Pascal et aux propriétés des sommes télescopiques.
Finalement :
$$\p(R_k)=\dfrac{1}{k} $$
Remarquez que cette formule est encore valable pour $k=1$.
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On peut retrouver directement ce résultat grâce au raisonnement suivant.
Pour avoir un record vers le haut au rang $k$ :
- on choisit les $k$ premiers nombres puis on les ordonne de telle sorte que le $k$-ème soit le plus grand :
$\displaystyle\binom{n}{k}\times (k-1)!$ possibilités
- on choisit ensuite les $n-k$ nombres restants et on les ordonne de façon quelconque :
$\displaystyle\binom{n-k}{n-k}\times (n-k)!=(n-k)!$ possibilités.
Le nombre total de possibilité étants $n!$ on a donc :
$$\p(R_k)=\dfrac{ \displaystyle\binom{n}{k} (k-1)! (n-k)! }{ n!} = \dfrac{1}{k} $$
-
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D'après la question 2.b, $Y_k\sim\mathcal{B}\left(\dfrac{1}{k}\right)$.
Supposons $k< j$.
Déterminons $\p(Y_k=1,Y_j=1)=\p(''\hbox{record au }k-\hbox{ième et au }j-\hbox{ième rangs}'')$.
Avec la technique de dénombrement du 3.c, on compte le nombre de permutations qui donnent un record aux
rangs $k$ et $j$ (au moins) :
- on choisit les $j$ premiers nombres : $\displaystyle\binom{n}{j}$ possibilités
- le plus grand prend la position $j$ : $1$ possibilité
- on choisit parmi les $j-1$ restants les $k$ premiers nombres : $\displaystyle\binom{j-1}{k}$ possibilités
- on les ordonne de telle sorte d'avoir un record au rang $k$ : $(k-1)!$ possibilités
- sur les $j$ premiers nombres choisis, il en reste $j-k-1$ à répartir entre les tirages
$k+1$, $k+2$, $\dots$, $j-1$
donc $(j-k-1)!$ possibilités
- on choisit ensuite les $n-j$ nombres restants et on les répartit sur les tirages $j+1$, $j+2$, $\dots$, $n$ :
$\displaystyle\binom{n-j}{n-j}\times (n-j)!=(n-j)!$ possibilités.
On en déduit que :
$$\begin{array}{rcl}
\p(Y_k=1,Y_j=1)&=&\dfrac{ \displaystyle\binom{n}{j}\times 1\times\displaystyle\binom{j-1}{k}
\times (k-1)!\times (j-k-1)!\times (n-j)!}{n!}\\
&=&\dfrac{1}{k\times j}\\
&=&\p(Y_k=1)\times\p(Y_j=1)\\
&=&1\end{array}$$
On vérifie facilement que cette formule est vraie pour tout $k\neq j$.
Puisque les variables $Y_k$ et $Y_j$ suivent des lois de Bernoulli, il est classique d'en déduire leur indépendance.
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On remarque que $X_n=\displaystyle\sum_{k=1}^n Y_k$, et donc par linéarité de l'espérance :
$$\mathbb{E}(X_n)=\sum_{k=1}^n \mathbb{E}(Y_k) =\sum_{k=1}^n \dfrac{1}{k} $$
D'autre part, comme les $Y_k$, pour $k\in\lc1,n\rc$, sont deux à deux indépendants :
$$ V(X_n)=\sum_{k=1}^n V(Y_k) = \sum_{k=1}^n \dfrac{1}{k}\left(1-\dfrac{1}{k}\right) = \sum_{k=1}^n \dfrac{1}{k}-\sum_{k=1}^n\dfrac{1}{k^2}$$
Il est classique que $\mathbb{E}(X_n)\underset{n\to+\infty}{\sim} \ln(n)$
et que $V(X_n)\underset{n\to+\infty}{\sim}\ln(n)$.
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Toujours grâce à l'indépendance des $Y_k$, on a pour tout $t\in\mathbb{R}$ :
$$ G_{X_n}(t) = \prod_{k=1}^n G_{Y_k}(t)=\prod_{k=1}^n \left(\dfrac{1}{k}t+1-\dfrac{1}{k}\right)=\dfrac{1}{n!} \prod_{k=0}^{n-1} (t+k) $$
-
On a donc, pour tout $t\in\mathbb{R}$ :
$$ G_{X_n}(t)= \dfrac{1}{n!}\prod_{k=1}^n \stir{n}{k} t^k $$
On en déduit que $X_n(\Omega)=\lc1,n\rc$ et :
$$\forall k\in\lc1,n\rc,\quad \p(X_n=k)= \dfrac{\displaystyle\stir{n}{k}}{n!} $$
Pour aller plus loin :
- il est intéressant de remarquer que le théorème central limite (et le lemme de Slutsky) donne
$\dfrac{X_n-\ln(n)}{\sqrt{\ln(n)}} \underset{n\to+\infty}{\overset{(\mathcal{L})}{\ra} }\mathcal{N}(0,1)$.
- si on note $Z_n$ le nombre de record vers le bas (il y a record vers le bas au rang $k$ si $\omega(k)<\omega(i)$
pour tout $i\in\lc 1,k-1\rc$), alors $Z_n$ a la même loi que $X_n$.
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3. Nombre de cyles (= orbites) d'une permutation aléatoire.
On note $X_n$ le nombre de cycles d'une permutation aléatoire de $\lc1,n\rc$ dans sa décomposition canonique
(en comptant les cycles de longueur $1$).
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Etablir la relation suivante :
$$\forall k\in\lc1,n+1\rc,\quad (n+1)\p(X_{n+1}=k)=\p(X_n=k-1)+n\p(X_n=k)$$
-
En déduire $\E(X_n)$.
Donner en un équivalent lorsque $n\to+\infty$.
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Déterminer la fonction génératrice de $X_n$.
Que peut-on en déduire sur sa loi?
-
En déduire $V(X_n)$. Donner en un équivalent lorsque $n\to+\infty$.
CORRECTION [ afficher/masquer ]
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$X_n(\Omega)=\lc1,n\rc$.
Pour $k\in\lc1,n\rc$, on note $c_n(k)$ le nombre de permutations de $\lc1,n\rc$ qui se décompose en exactement
$k$ cycles à supports disjoints, c'est-à-dire le cardinal de l'évènement $[X_n=k]$.
Considérons une permutation $\omega$ de $\lc1,n+1\rc$ qui se décompose en exactement $k$ cycles à supports disjoints.
Deux cas se présentent :
- $\omega(n+1)=n+1$. La restriction de $\omega$ à $\lc1;n\rc$ est une permutation qui se décompose en exactement
$k-1$ cycles à supports disjoints. Ce cas présente donc $c_{n}(k-1)$ possibilités.
- $\omega(n+1)\neq n+1$. Le cycle qui contient $n+1$ est donc de longueur supérieur ou égale à $2$.
En effaçant $n+1$ de ce cycle, on obtient une permutation de $\lc1,n\rc$ qui se décompose en exactement
$k$ cycles à support disjoints. Obtenir un permutation $\omega$ de $\lc1,n+1\rc$ qui se décompose en $k$ cycles
à supports disjoints, et telle que $\omega(n+1)\neq n+1$, revient donc à choisir une valeur $j\in\lc1,n\rc$
et une permutation de $\lc1,n\rc$ dans laquelle on ajoute $n+1$ juste avant $j$ dans le cycle qui contient $j$.
Ce cas présente donc $n\times c_n(k)$ possibilités.
D'après le lemme des bergers on a donc la relation de récurrence :
$$ c_{n+1}(k)=c_n(k-1)+n c_n(k)$$
En divisant par $(n+1)!$ on en déduit que :
$$ \forall k\in\lc2;n\rc,\quad (n+1)\p(X_{n+1}=k) = \p(X_n=k-1)+n\p(X_n=k) $$
et cette formule est vraie aussi si $k=1$ ou $k=n+1$.
-
Donc :
$$\begin{array}{rcl}
(n+1)\E(X_{n+1})&=&\displaystyle(n+1)\sum_{k=1}^{n+1} k\p(X_{n+1}=k) \\
&=& \displaystyle\sum_{k=0}^n (k+1)\p(X_n=k)+n\sum_{k=1}^{n+1}k\p(X_n=k)\\
&=&\displaystyle(n+1)\E(X_n) + 1\end{array}$$
Comme $\E(X_1)=1$, on en déduit facilement par récurrence que :
$$\E(X_n)=\sum_{k=1}^n \frac{1}{k}\underset{n\to+\infty}{\sim}\ln(n)$$
-
De même pour tout $t\in\R$ :
$$\begin{array}{rcl}
(n+1)\times G_{X_{n+1}}(t)
&=&\displaystyle(n+1) \sum_{k=1}^{n+1} t^k \p(X_{n+1}=k) \\
& =& \displaystyle\sum_{k=0}^{n+1} t^{k+1} \p(X_n=k) + n \sum_{k=1}^{n+1} t^k \p(X_n=k) \\
& =& \displaystyle(t+n) \times G_{X_n}(t) \end{array}$$
Comme $G_{X_1}(t)=t$ on en déduit par récurrence que :
$$\forall t\in\R,\quad G_{X_n}(t)=\dfrac{1}{n!}\prod_{k=0}^{n-1}(t+k)$$
On reconnaît la fonction génératrice du nombre de records (vers le haut ou vers le bas):
le nombre de cycles d'une permutation aléatoire a la même loi que son nombre de records.
C'est en fait une conséquence d'un résultat non probabiliste appelé correspondance fondamentale de Foata:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Correspondance_fondamentale_de_Foata
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On a pour tout $t\notin\{-n+1,\dots,-1,0\}$ :
$$G_{X_n}'(t) = G_{X_n}(t)\times\left(\sum_{k=0}^{n-1} \dfrac{1}{t+k}\right)$$
donc :
$$G_{X_n}''(t) = - G_{X_n}(t)\times\left(\sum_{k=0}^{n-1}\frac{1}{(t+k)^2}\right)
+G_{X_n}'(t)\times\left(\sum_{k=0}^{n-1}\frac{1}{t+k}\right) $$
On en déduit que $\E(X_n)=G_{X_n}'(1)=\displaystyle\sum_{k=1}^n\dfrac{1}{k}$ puis que :
$$V(X_n)=G_{X_n}''(1)+G_{X_n}'(1)-G_{X_n}'(1)^2=\sum_{k=1}^n\dfrac{1}{k}
-\sum_{k=1}^n\dfrac{1}{k^2}\underset{n\to+\infty}{\sim}\ln(n)$$
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Author: Arnaud Bégyn
Created: 2024-08-14 mer. 23:49
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